Quincampoix Quincampoix

La deuxième guerre mondiale

Dès 1937-1938, l'agitation internationale se faisait sentir : maintien des soldats sous les drapeaux, rappel de réservistes. Le 2 septembre 1939 a lieu la déclaration de guerre à l'Allemagne et la mobilisation générale. 48 de nos concitoyens se retrouvent mobilisés. Des chevaux et des voitures sont requis. Une formation de pionniers est cantonnée a Quincampoix. Des soldats d'un régiment régional sont stationnés chez nous. L'armée attend.
Le 10 mai 1940, coup de tonnerre : l'armée allemande, la Wehrmacht, attaque, enfonce l'armée française et fonce vers l'Ouest : le 16 mai, elle est aux portes d'Abbeville, à 100 kilomètres de chez nous. Nous n'avons plus de nouvelles de nos soldats. Une avalanche de réfugiés dévale la route de Neufchâtel, dans des conditions de sécurité précaires.
Les habitants de Quincampoix partent vers Rouen. Des barrages dérisoires de charrettes et d'objets divers sont érigés sur la route de Neufchâtel.
Ce 8 juin, vers 15 heures, la colonne d'invasion se présente devant Quincampoix. Elle quitte la route Nationale, traverse la ferme Saint-Aubin et débouche sur la place, écrasant le portail du boucher et sa voiture chargée prête à partir. Les soldats allemands enfoncent toutes les portes fermées et pillent les réserves des commerçants. Les armes des soldats français sont écrasées par les chars. Puis petit à petit, les quelques civils restés sortent des caches et risquent quelques pas dehors. Sur la place, le stock de l'épicerie cordonnerie Lengagne est éparpillé, chacun ramasse ce qu'il croit utile dans ce gâchis général. Même spectacle à l'hôtel du commerce.
Dans les champs, les chars ont écrasé toutes les clôtures et les bestiaux divaguent. La Feldgendarmerie canalise les troupes allemandes, les prisonniers français, les civils. Dès le 9 juin, une colonie de prisonniers français passe à pied, en route vers la captivité.
Et les réfugiés reviennent, nos concitoyens aussi. Tous font l'inventaire, racontent leur odyssée à pied, à vélo, en voiture. Plusieurs des nôtres ne reviendront pas, victimes de la guerre.
En juillet 1940, arrive à Quincampoix une compagnie d'artillerie hippomobile de la Wehrmacht. Ces soldats attendaient de débarquer victorieusement en Angleterre, ce qui ne semblait pas faire de doute pour eux ! En effet, le 19 juillet Hitler, après avoir "offert" la paix à l'Angleterre, décidait de l'opération Otarie pour un débarquement le 19 septembre. A Quincampoix, comme dans tous les villages environnants, les unités allemandes se préparaient jusqu'au moindre détail.
Le 12 octobre, Hitler abandonnait son projet de débarquement en Angleterre, mais nos artilleurs restèrent à Quincampoix et y passèrent l'hiver.
 

Achtung Lieutemant

Fin 1940, début 1941, une compagnie d'artillerie hippomobile de la Wehrmacht stationnait à Quincampoix. Il avait fallu lui faire de la place. Les chevaux mis au Pâturage à la belle saison furent répartis dans les fermes les vaches regroupées à l'extrémité partageaient les étables avec les chevaux de l'occupant.
Cette présence de l'armée allemande ne donna pas lieu à vexations, il y eut bien un échange de coups après boire, quelques volailles sans doute imprudentes disparurent... mais le stationnement de cette unité ne fut pas sans causer une gêne certaine : occupation de la mairie, des bâtiments publics, la salle des fêtes transformée en atelier et garage à canons, la salle paroissiale en cantine, les écoles durent se tasser.
Les soldats furent cantonnés chez les habitants jugés trop à l'aise, ou dans des locaux trouvés vide assez près du centre : on ne se disséminait pas ! Les installations des artisans furent aussi mises à contribution : le bourrelier, le menuisier, le maréchal-ferrant se virent gratifier d'un collègue allemand qui utilisait les installations.
La vie de Quincampoix était marquée par les soldats en feldgrau qui allaient et venaient sans cesse, entre les cantonnements, les écuries, l'exercice. Souvent le déplacement se faisait en groupe au pas, en chantant sans la moindre fausse note. Nos occupants, qui n'étaient plus de première jeunesse, n'étaient pas très belliqueux. Leurs chefs essayaient de les occuper au mieux. Les chevaux étaient étrillés et brossés plusieurs fois par jour, les canons et caissons astiqués après avoir été salis au préalable.
A la barrière de chaque ferme, les soldats tressaient avec beaucoup de soin des motifs en paille pour encadrer le panonceau d'effectifs - Pferde 10. Il y avait aussi le tir, les signaux morses avec pavillons, le pansage des animaux, la garde. Les écuries en effet, bénéficiaient d'une garde de jour et de nuit.
Un jeune lieutenant s'était fait remarquer lors de changements de service ou de poste. Maigre, de taille moyenne et de traits sévères, il rôdait souvent sur la place et à tous les endroits ou les soldats de la Wehrmacht faisaient semblant de s'occuper. Tout soldat jugé oisif ou insuffisamment occupé était immédiatement dirigé vers quelque travail apparemment inutile : l'oisiveté est la mère de tous les vices. Aussi, les soldats allemands faisaient le guet et on percevait quelquefois cet avertissement, quoique proféré à l'étouffé : "Achtung Leutnant !".Tout le monde s'activait alors et les piétons pressaient le pas d'un air afféré. Mais "Leutnant" se déchaînait aussi à la punition des soldats récalcitrants.
Entre les murs de l'école, route de Neufchâtel, il présidait à cet exercice connu dans toutes les armées et appelé en France "la pelote" : le soldat puni, équipé de pied en cap, avec armes, paquetage, casque, capote... est astreint à un pas accéléré, sans pause. Pour les soldats allemands, l'épreuve est corsée par les bottes et le pas de l'oie. Quand l'allure faiblissait, Leutnant rythmait le pas alternativement au sifflet et à la voix : ein-zwei, ein-zwei, ein-zwei... l'exercice prenait fin, au bon plaisir de Leutnant quand le puni, ruisselant de sueur, était jugé à bout de souffle.
Les Allemands quittèrent Quincampoix dans les premiers mois de 1941. Ils ignoraient leur destination définitive, mais pensaient qu'ils allaient à l'Est, en repos dirent certains avec naïveté...
Bien longtemps après la guerre, un de ces soldats écrivit à la mairie. Ce Berlinois souhaitait retrouver quelques souvenirs. Grâce aux détails donnés, il fut possible de l'identifier et de le mettre en rapport avec ceux de nos concitoyens qui furent ses hôtes involontaires.
 

L'occupation

Le monument aux morts

Nos concitoyens courbent le dos sous l'occupation. Le raid Canadien sur Dieppe en 1942 suscite un fol espoir, puis la morosité revient. Celle-ci devient de plus en plus lourde : réquisition de denrées alimentaires, appels pressants puis appel autoritaire pour aller travailler en Allemagne. A Quincampoix, chacun développe son jardin personnel pour compenser l'insuffisance des rations alimentaires et l'élevage des lapins devient florissant. Le 6 juin 1944, grande nouvelle : "Ils ont débarqué". Notre route de Neufchâtel et la ligne Rouen-Amiens deviennent des artères vitales du front allemand de Basse Normandie. Troupes et matériels passent en nombre, pourchassés par l'aviation alliée. Dès que le temps est beau, tout ce qui est allemand se cache sous les frondaisons et le trafic ne reprend que la nuit ou par temps couvert.
Le bombardement des pistes de V1 fera des victimes parmi nos compatriotes. Les alliés n'arrivent toujours pas. Des V1 partent toujours pour l'Angleterre et l'appréhension monte : comment cela va t il finir ? Chacun creuse sa tranchée, son abri aménagé, sa cave. La nuit, le bruit sourd des canons de marine qui tirent sur Caen est perçu jusqu'à Quincampoix. Les armées alliées réussissent enfin à tourner par le sud, le front allemand qui s'effondre et nous voyons à nouveau passer une armée en déroute.
Le 30 Août après-midi, on entend vers le sud des bruits de chars, de véhicules. "Les Américains sont là ! Rouen est libéré", dit-on. L'on entend sonner les cloches de toutes les communes libérées. Mais Quincampoix reste encore occupé par des Allemands, qui traînent partout, fatigués. Que va t'il se passer cette nuit ? Vont-ils arriver? Ils ne viendront pas, arrêtés vers Isneauville et Préaux... mais ils bombarderont. Pendant la nuit, l'artillerie canadienne stationnée à Saint-Jacques-sur-Darnétal arrose le village et les routes. Tout le monde est descendu dans les tranchées ou abris de fortune.
Mais un de nos concitoyens sera tué. Vers 7 heures, le 31 août, un grondement sourd venant du sud : le bruit d'une armée mécanisée qui se met en route, bruits de chenilles, de moteurs, de sirènes, de chars et les premiers soldats alliés se pointent. Surprise : ce ne sont pas des Américains, ni des Anglais mais des soldats qui parlent Français avec un accent campagnard rappelant la Normandie : les Canadiens. Les régiments Mont Royal, Maisonneuve, la Chaudière sont là, des Ecossais, des Canadiens anglophones, des Britanniques, des Belges, même des Polonais. Dans la ruée victorieuse, les unités se bousculent un peu, croyant la fin de la guerre et la victoire toutes proches. Pour nous aussi, nous pensions à la fin de la guerre imminente, au retour des prisonniers. Le défilé des unités alliées continue sur la route de Neufchâtel : ils avaient du chocolat, des cigarettes, de l'essence, on les accueillait chaleureusement, on leur offrait à boire. On sonne les cloches à tour de bras.
Des résistants authentiques ou de fantaisie arborent des brassards FFI. L'armée canadienne imprime et distribue des journaux en français. Les soldats, saturés de conserves, recherchent de la nourriture fraîche.

En octobre, l'armée américaine s'installe sur le port de Rouen et l'on peut enfin voir ces fameux Américains avec leur équipement et leur matériel surabondants. La vie reprend son cours à Quincampoix. La guerre s'enlise une nouvelle fois, les camps de prisonniers ne sont toujours pas libérés et le courrier avec eux est suspendu. On se fait à la nouvelle monnaie, à la nouvelle administration, à la justice qui épure. Il faudra attendre l'écrasement complet de l'Allemagne pour revoir nos prisonniers dans le deuxième trimestre de 1945. Certains ne reverront pas Quincampoix. Le retour de ces jeunes hommes et le calme revenu se traduisent par une vague de mariages.
Quincampoix s'organise et repart sur les bases anciennes avec ses associations d'Anciens Combattants, sa fête patronale, son train-train quotidien, ses petites fermes, ses dommages de guerre. En 1946, on installe dans l'église des vitraux qui font sensation, signés de Max Ingrand, alors peu connu. A partir de 1953, on installe l'eau potable, c'était hier. En 1964, Monsieur Digard vend du terrain pour un lotissement ; le nouveau Quincampoix venait de naître.
 

Le poulain de Maurice Callewaert

Août 1944 : la débâcle allemande se précipite et les soldats de la Wehrmacht commencent à se replier, en camion, à bicyclette, à cheval ou en voiture : tout ce qui peut constituer un moyen de transport est requis par l'armée en retraite, particulièrement les chevaux de trait souvent emmenés avec charrette et charretier jusqu'à ce que les animaux fourbus perdent leurs fers.

Maurice Callewaert, dans sa ferme de la Muette, voit un jour arriver quatre soldats allemands avec armes et paquetages, à la recherche de montures et de véhicules. Il n'y avait plus dans la ferme qu'un jeune poulain qui n'avait encore jamais été attelé et une carriole de marché. Malgré les remarques de Maurice Callewaert, un des Allemands, arguant de sa connaissance des chevaux, réussit avec ses compagnons à cerner le poulain dans un bâtiment, à le harnacher de force et à l'atteler à la carriole.
Deux des soldats maintenaient tant bien que mal l'animal pendant que les autres chargeaient fusils, casques, gamelles et paquetages. Le poulain partit en trombe dans un tintamarre de gamelles, le dernier Allemand sautant au vol dans la carriole. Quelques minutes plus tard, Maurice Callewaert entendit un galop sur la route... "C'est le poulain, il revient!". Il revenait en effet, mais de la carriole il ne restait plus que les limons lui battant les flancs suspendus à un reste de harnachement.
Que s'était-il passé? Quelques heures après (il fallait être prudent), Maurice Callewaert entreprit une reconnaissance sur les lieux de la galopade et, avec quelques témoignages, put reconstituer l'aventure. Le poulain, apeuré par le bruit et les cris en allemand, était parti à fond de train sur la route de Fontaine-le-Bourg. Passant devant la ferme de la Ventelette, il avait senti l'écurie et s'était jeté dans l'entrée. La barrière était fermée, mais il l'avait enfoncée, la carriole explosant sur un des piliers, étalant ce qui restait du matériel des Allemands et les deux soldats qui avaient pu se cramponner.
Les deux autres, effrayés, ayant dû sauter en cours de route. Maurice Callewaert récupéra son poulain, enlevant les restes de harnachement, et le remit à l'herbage, loin de la grande route. Quelques jours plus tard, c'était la Libération.
 

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